Connaissez-vous la pêche à la saligote ? Il s’agit d’éblouir la bête (une crevette) à l’aide d’une lampe pour mieux la cueillir à l’épuisette. Eh bien, Clémentine Beauvais, elle connaît. Même, elle en a peut-être tiré un tour pour attraper son lecteur : l’éblouir par un angle d’attaque percutant, un style brillant, des images lumineuses. Le cueillir et l’attacher à la trajectoire de Valentin, collégien à la sensibilité hors-norme, un poil rigide, qui hacke son rapport de stage pour raconter son année dans une unité pour personnes âgées atteintes d’Alzheimer. Dans ce service spécial, où l’on reconstitue l’environnement idéalisé de la jeunesse des pensionnaires (les années 60-70), Valentin se sent bien. Mais il s’y révèle surtout à partir de la rencontre avec Sola Perré, à peu près tout le contraire de l’idée qu’il se fait d’une directrice de stage digne de ce nom. 

La narration codifiée du rapport scolaire se fissure peu à peu, laissant de la place aux commentaires du Valentin d’après sur ce qu’écrit le Valentin d’alors… l’occasion de mesurer le chemin parcouru, tout en mettant en lumière le processus d’écriture, ses non-dits et ses failles. 

En somme, le lecteur passe un bien meilleur moment que les crevettes de l’histoire (qui finissent comme il se doit par rissoler dans une poêle). Donc, quitte à se faire attraper dans un filet, autant que ce soit dans celui de l’univers étendu des comédies de Clémentine Beauvais, qui repeint le monde en plus coloré comme dans un film de Jacques Demy, en plus tendre et loufoque aussi, comme dans une chanson des sixties. 

Un roman touchant, qui parle des maisons où (et des personnes auprès de qui) l’on grandit, de souvenir… et de Françoise Hardy.